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TRADUCTIONS LIBRES

TRADUCTIONS LIBRES

Site de traduction non professionnel, pour le plaisir et la curiosité, de textes non disponibles en français.


LA STRUCTURE NORMATIVE DE LA SCIENCE par Robert King MERTON

Publié par medomai sur 30 Août 2017, 15:56pm

Catégories : #SCIENCE, #SCIENCES, #MERTON, #ROBERT KING, #STRUCTURE, #NORMATIVE, #SOCIOLOGIE, #ÉPISTÉMOLOGIE, #ETHOS, #HISTOIRE, #PHILOSOPHIE, #NORMES, #VALEURS, #DÉMOCRATIE, #SOCIÉTÉ, #POLITIQUE, #UNIVERSALISME, #DÉSINTÉRESSEMENT, #COMMUNISME, #SCEPTICISME, #ORGANISÉ



 

ROBERT KING MERTON
Robert King MERTON (1910-2003)

 

****

 Dans mes lectures récentes, plusieurs articles en anglais sur le déni du réchauffement climatique chez les partisans de Trump faisaient allusion à ce texte.

Il s'agit d'un essai de sociologie des sciences datant du milieu de la Seconde Guerre mondiale, et qui, à ma connaissance, n'est pas disponible dans le commerce en français (bien sûr, dans le cas contraire, cette traduction sera retirée du blog).

Le texte fut initialement publié dans «Science et Technologie dans un Régime Démocratique» [Science and Technology in a Democratic Order], 1942. La curiosité m'a poussé à le traduire, sans les notes (conservées dans leur langue originale).

Il y est question de "l'ethos" de "la" science en général, c'est-à-dire des normes contraignantes collectivement admises par toute communauté scientifique dans sa pratique des sciences.

Mais Merton semble mettre un peu vite sur le même plan les chercheurs professionnels, les ingénieurs, les techniciens, les amateurs éclairés (ou pas), et il dégage des invariants historiques - de façon parfois un peu rapide et peut-être simplificatrice.

S'inscrivant dans le cadre d'une analyse fonctionnaliste, Merton estime que les pratiques sociales, même lorsqu'elles nous paraissent gratuites, arbitraires, ou déraisonnables, ont une fonction en ce sens qu'elles répondent à des besoins individuels précis. Or quelle est la fonction de la science ? Réponse au paragraphe 2 :

   "L'objectif institutionnel de la science est l'extension de la connaissance certifiée [the institutional goal of science is the extension of certified knowledge]"

En effet, dans la mesure où toute société moderne a besoin de la production de connaissance certifiées pour fonctionner correctement, on nomme "science" l'activité collaborative assurant cette production. Mais pour que cette activité puisse remplir convenablement sa fonction, il lui faut répondre à un certain nombre de normes s'imposant aux acteurs concernés. C'est ce que Merton appelle "ethos de la science".

Les normes spécifiques à l'ethos scientifique sont selon lui articulées autour de quatre valeurs : "l'universalisme", le "communisme" (qui n'a pas ici le sens qu'il a chez Marx), le "désintéressement", et le "scepticisme organisé". 

Le respect de ces normes ne va pas de soi et n'est pas sans produire des conflits avec d'autres activités sociales, d'autres normes, d'autres valeurs.

Bonne lecture !

NB : je me suis basé sur une reproduction du texte original trouvée ici (reproduite également ci-dessous, après la traduction). 

 


 

LA STRUCTURE NORMATIVE DE LA SCIENCE (1942)

 

par Robert King MERTON

(traduction par Medomai, août 2017)

 

 « La science, comme toute autre activité impliquant une collaboration sociale, est sujette à des fortunes changeantes. Si difficile que puisse paraître la notion à ceux qui sont élevés dans une culture conférant à la science une situation prééminente voire directive [commanding] dans l'ordre des choses, il est évident que la science n'est pas à l'abri d'attaques, de réticences, ni de répression. Il y a de cela quelque temps, dans ses écrits, Veblen pouvait faire observer que la foi [qu'entretenait] la culture occidentale dans les sciences était illimitée, incontestée, sans rivale. La révolte envers la science, qui paraissait si improbable qu'elle ne pouvait concerner que le timide académicien réfléchissant à toutes les contingences si éloignées soient-elles, est désormais soumise à l'attention des scientifiques tout autant que des profanes. Les contagions locales de l'anti-intellectualisme menacent de devenir épidémiques. 


1. Science et société

Les débuts d'attaques actuelles contre l'intégrité de la science ont conduit les scientifiques à reconnaître leur dépendance vis-à-vis de types particuliers de structure sociale [particular types of social structure]. Manifestes et déclarations issus d'associations de scientifiques sont consacrés aux relations entre science et société. Une institution attaquée doit réexaminer ses fondements, reformuler ses objectifs, chercher sa raison d'être. La crise invite à une auto-évaluation. Ayant été confrontés à des mises en cause de leur mode de vie, les scientifiques ont été plongés dans un état de conscience de soi aiguë : conscience d'être comme un élément faisant partie intégrante de la société, avec les obligations et les intérêts correspondants 1.

Une tour d'ivoire devient indéfendable quand ses murs sont soumis à un assaut prolongé. Après une longue période de sécurité relative, au cours de laquelle la poursuite et la diffusion de la connaissance passèrent au premier plan, sinon au premier rang, dans l'échelle des valeurs culturelles, les scientifiques sont désormais obligés de faire valoir les voies de la science auprès des hommes. Ils en sont par là circulairement revenus au point de départ de l'émergence de la science dans le monde moderne. Il y a trois siècles, alors que l'institution de la science ne pouvait revendiquer que peu de garantie indépendante de soutien social, les philosophes de la nature [natural philosophers] furent eux aussi amenés à justifier la science, en tant que moyen de réaliser les fins culturellement validées de l'utilité économique et de la glorification de Dieu. La recherche de la science [the pursuit of science] n'était pas à l'époque une valeur évidente. Cependant, grâce au flux incessant des succès, l'instrumental fut transformé en terminal, les moyens devinrent la fin. Ainsi fortifié, le scientifique en vint à se considérer comme indépendant de la société, et à considérer la science comme une entreprise auto-validante, qui se trouvait dans la société mais sans lui appartenir. Il fallut un assaut frontal contre l'autonomie de la science pour convertir cet isolationnisme optimiste en participation réaliste au conflit révolutionnaire des cultures. La rencontre du problème a permis de clarifier et de réaffirmer l'éthique de la science moderne.

La science est un mot trompeusement inclusif pour se référer à une variété d'éléments distincts mais interdépendants. Elle est couramment utilisée pour désigner :

- un ensemble de méthodes caractéristiques au moyen desquelles la connaissance est certifiée ;

- un stock de connaissances accumulées découlant de l'application de ces méthodes ;

- un ensemble de valeurs et de mœurs culturelles [cultural values and mores] régissant les activités appelées scientifiques ; ou encore :

- n'importe quelle combinaison de ce qui précède.

Nous nous intéresserons ici pour commencer à la structure culturelle de la science, c'est-à-dire à un aspect limité de la science en tant qu'institution. Ainsi, nous considérerons, non pas les méthodes de la science, mais les mœurs avec lesquelles celles-ci sont encadrées [the mores with wich they are hedged about]. Certes, les canons méthodologiques sont souvent à la fois des expédients techniques et des compulsions morales [moral compulsives], mais seules les secondes nous préoccuperons ici. Il s'agit d'un essai de sociologie de la science, non pas d'une excursion en méthodologie. De même, nous ne traiterons pas des résultats substantiels des sciences (hypothèses, uniformités, lois), sauf lorsque ceux-ci portent sur les sentiments sociaux normalisés envers la science. Ceci n'est pas une aventure en polymathie.

Notes de la section 1 :

1. Since this was written in 1942, it is evident that the explosion at Hiroshima has jarred many more scientists into an awareness of the social consequences of their work.


2. L'ethos de la science

L'ethos de la science [ethos of science] est ce complexe à tonalité affective de valeurs et de normes, tenu pour une obligation [binding on] de l'homme de science 1.

Les normes sont exprimées sous forme de prescriptions, de proscriptions, de préférences et d'autorisations. Elles sont légitimées en termes de valeurs institutionnelles. Ces impératifs transmis par le précepte et l'exemple, et renforcés par des sanctions, sont, à des degrés divers, internalisés par le scientifique, façonnant ainsi sa conscience scientifique ou, si l'on préfère l'expression à la mode du jour, son surmoi [superego]. Bien que l'ethos de la science n'ait pas été codifié 2, il peut être déduit du consensus moral entre savants exprimé dans l'usage et les habitudes, dans d'innombrables écrits sur l'esprit scientifique, et dans l'indignation morale à l'encontre des dérogations à l'ethos.

Un examen de l'ethos de la science moderne n'est qu'une introduction limitée à un problème plus vaste : l'étude comparative de la structure institutionnelle de la science. Bien que les monographies détaillées rassemblant les matériaux comparatifs nécessaires soient peu nombreuses et dispersées, elles fournissent une base pour l'hypothèse provisoire selon laquelle «la science a la possibilité de se développer dans un ordre démocratique intégré à l'ethos de la science» [science is afforded opportunity for development in a democratic order which is integrated with the ethos of science]. Cela ne signifie pas que la poursuite de la science se limite aux démocraties 3. Les structures sociales les plus diverses ont, dans une certaine mesure, apporté un soutien à la science. Il nous suffit de nous rappeler que l'Accademia del Cimento fut parrainée par deux Médicis; que Charles II mérite l'attention des historiens pour l'octroi d'une charte à la Royal Society of London et pour son parrainage de l'Observatoire de Greenwich; que l'Académie des Sciences a été fondée sous les auspices de Louis XIV, sur l'avis de Colbert; que pressé par Leibniz de donner son accord, Frédéric Ier dota l'Académie de Berlin, et que l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg fut instituée par Pierre le Grand (pour réfuter l'opinion que les Russes sont des barbares). Mais de tels faits historiques n'impliquent pas une association aléatoire entre science et structure sociale. Il y a la question supplémentaire du ratio entre réussite scientifique et potentialités scientifiques. La science se développe, bien entendu, dans diverses structures sociales, mais laquelle fournit un contexte institutionnel permettant le plus intégral développement ?

L'objectif institutionnel de la science est l'extension de la connaissance certifiée [the institutional goal of science is the extension of certified knowledge]. Les méthodes techniques employées à cette fin fournissent la définition pertinente de la connaissance : des affirmations de régularités empiriquement confirmées et logiquement cohérentes (qui sont, en réalité, des prédictions) [empirically confirmed and logically consistent statements of regularities (which are, in effect, predictions)]. Les impératifs institutionnels (les mœurs) découlent de l'objectif et des méthodes. Toute la structure des normes techniques et morales met en œuvre l'objectif final [the entire structure of technical and moral norms implements the final objective]. La norme technique de la preuve empirique, adéquate et fiable, est un prérequis pour une prédiction vraie durable; celle de la cohérence logique, un prérequis pour une prédiction systématique et valide. Les mœurs de la science [the mores of science] ont une rationalité méthodologique, mais elles sont contraignantes non seulement parce qu'elles sont efficaces sur le plan de la procédure, mais parce qu'elles sont considérées comme justes et bonnes [right and good]. Ce sont des prescriptions aussi bien morales que techniques.

Quatre ensembles d'impératifs institutionnels - l'universalisme, le communisme, le désintéressement, le scepticisme organisé - sont tenus pour constitutifs de l'ethos de la science moderne.

Notes de la section 2 :

1. On the concept of ethos, see William Graham Sumner, Folkways (Boston: Ginn, 1906), pp. 36 ff.; Hans Speier, “The Social Determination of Ideas,” Social Research 5 (1938): 196 ff.; Max Scheler, Schriften aus dem Nachlass (Berlin, 1933), 1:225­-62. Albert Bayet, in his book on the subject, soon abandons description and analysis for homily; see his La morale de la science (Paris, 1931).

2. As Bayet remarks: “Cette morale [de la science] n'a pas eu ses theoriciens, mais elle a eu ses artisans. Elle n'a pas exprimé son ideal, mais elle l’a servi: il est impliqué dans l'existence même de la science” (La morale de la science, p. 43).

3. Tocqueville went further: "The future will prove whether these passions [for science], at once so rare and so productive, come into being and into growth as easily in the midst of democratic as in aristocratic communities. For myself, I confess that I am slow to believe it" (Democracy in America [New York, 1898], 2: 51). See another reading of the evidence: "It is impossible to establish a simple causal relationship between democracy and science and to state that democratic society alone can furnish the soil suited for the development of science. It cannot be a mere coincidence, however, that science actually has flourished in democratic periods" (Henry E. Sigerist, “Science and Democracy,” Science and Society 2 [1938]: 291).


3. L'universalisme

L'universalisme 1 trouve une expression immédiate dans le canon selon lequel les affirmations-vérité (truth-claims), quelle que soit leur source, doivent être soumises à des critères impersonnels préétablis: [être] en accord avec l'observation et avec des connaissances précédemment confirmées. L'acceptation ou le rejet des affirmations entrant dans les listes de la science ne dépend pas des attributs personnels ou sociaux de leur protagoniste; sa race, sa nationalité, sa religion, sa classe et ses qualités personnelles ne sont pas pertinentes. L'objectivité exclut le particularisme. La circonstance selon laquelle les formulations scientifiquement vérifiées se réfèrent dans ce sens spécifique aux séquences et corrélations objectives milite contre tous les efforts pour imposer des critères de validité particulière. Le procédé de Haber ne peut être invalidé par un décret de Nuremberg, ni la loi de gravitation abrogée par un anglophobe. Les chauvins peuvent effacer les noms des scientifiques étrangers des manuels d'Histoire, mais leurs formulations restent indispensables à la science et à la technologie. Aussi echt-deutsch ou cent-pour-cent-américain soit l'apport final, certains étrangers sont négligeables au regard du fait [que représente] chaque nouvelle avancée scientifique. L'impératif de l'universalisme est profondément enraciné dans le caractère impersonnel de la science.

Toutefois, l'institution de la science fait partie d'une structure sociale plus large à laquelle elle n'est pas toujours intégrée. Lorsque la culture plus large s'oppose à l'universalisme, l'ethos de la science est soumis à de sérieuses tensions. L'ethnocentrisme n'est pas compatible avec l'universalisme. En particulier en période de conflit international, lorsque la définition dominante de la situation est telle qu'elle met l'accent sur les loyautés nationales, l'homme de science est soumis aux impératifs contradictoires de l'universalisme scientifique et du particularisme ethnocentrique 2. La structure de la situation dans laquelle il se trouve détermine le rôle social qu'il est appelé à jouer. L'homme de science peut être converti en homme de guerre - et agir en conséquence. Ainsi, en 1914, le manifeste de quatre-vingt-treize scientifiques et érudits allemands - parmi eux, Baeyer, Brentano, Ehrlich, Haber, Eduard Meyer, Ostwald, Planck, Schmoller et Wassermann - libéra une polémique dans laquelle des hommes allemands, français et anglais déployèrent leurs egos politiques [political selves] sous les oripeaux de scientifiques. Des scientifiques impartiaux contestèrent des contributions [qualifiées d']«ennemies», sous l'accusation de biais nationaliste, de dissimulation, de malhonnêteté intellectuelle, d'incompétence et de manque de capacité créative 3. Mais cette déviation même de la norme de l'universalisme présupposait en fait la légitimité de la norme. Car le biais nationaliste n'est infamant que s'il est jugé selon les termes du standard universaliste; dans un autre contexte institutionnel, il est redéfini comme vertu, comme patriotisme. Ainsi, dans le processus de condamnation de leur violation, les mœurs sont réaffirmées.

Même sous la contre-pression, les scientifiques de toutes nationalités adhérèrent à la norme universaliste en des termes plus directs. Le caractère international, impersonnel, pratiquement anonyme de la science fut réaffirmé 4. (Pasteur: «le savant a une patrie, la science n'en a pas».) Le refus de la norme fut conçu comme une violation de la foi.

L'universalisme trouve une manfestation supplémentaire dans l'exigence que les carrières soient ouvertes aux talents. La raison en est fournie par le but institutionnel. Limiter les carrières scientifiques pour des raisons autres que le manque de compétence, c'est nuire à l'avancement des connaissances. L'accès libre aux recherches scientifiques est un impératif fonctionnel. L'opportunité et la moralité [expediency and morality] coïncident. D'où l'anomalie d'un Charles II, invoquant les mœurs de la science pour réprimander [les membres de] la Société Royale concernant leur potentielle exclusion de John Graunt, l'arithméticien politique, et ses instructions selon lesquelles, «s'ils trouvaient d'autres marchands de ce genre, ils devraient s'assurer de les admettre sans plus tarder».

Là encore, l'ethos de la science peut ne pas être compatible avec celui de la société en général. Les scientifiques peuvent assimiler des normes de castes, et fermer leurs rangs aux individus d'un statut inférieur, sans tenir compte de la capacité ou de la réussite.

Mais cela provoque une situation instable. Des idéologies élaborées sont appelées à cacher l'incompatibilité des mœurs de caste avec le but institutionnel de la science. Il faut montrer que les caste-inférieurs sont intrinsèquement incapables de travailler scientifiquement, ou bien que leurs contributions doivent être, à tout le moins, systématiquement dévaluées: « on peut tirer de l'histoire de la science que les fondateurs de la recherche en physique et que les grands découvreurs, de Galilée et Newton aux pionniers physiciens de notre temps, étaient presque exclusivement des aryens, principalement de race nordique. » L'expression modifiante «presque exclusivement», est reconnue comme une base insuffisante pour refuser aux hors-castes tout droit à la réussite scientifique. C'est pourquoi l'idéologie est complétée par une conception de la «bonne» et de la «mauvaise» science: la science réaliste et pragmatique des aryens s'oppose à la science dogmatique et formelle des non-aryens 5. Ou encore, les motifs d'exclusion sont recherchés dans le pouvoir extrascientifique des hommes de science en tant qu'ennemis de l'État ou de l'Église 6. Ainsi, les exposants d'une culture qui abjure les normes universalistes se sentent en général contraints de défendre du bout des lèvres cette valeur dans le domaine de la science. L'universalisme est évidemment affirmé en théorie et supprimé dans la pratique.

Quelle que soit l'insuffisance de sa mise en pratique, l'éthique de la démocratie inclut l'universalisme comme principe directeur dominant. La démocratisation équivaut à l'élimination progressive des contraintes sur l'exercice et le développement des capacités socialement valorisées. Des critères impersonnels d'accomplissement et non la fixation de statut caractérisent la société démocratique ouverte. Dans la mesure où de telles restrictions persistent, elles sont considérées comme des obstacles sur la voie de la démocratisation complète. Ainsi, dans la mesure où la démocratie du laissez-faire permet l'accumulation d'avantages différentiels pour certains segments de la population, des écarts qui ne sont pas liés à des différences de capacité démontrées, le processus démocratique conduit à une réglementation croissante par l'autorité politique. Dans des conditions changeantes, de nouvelles formes techniques d'organisation doivent être introduites pour préserver et étendre l'égalité des chances [equality of opportunity]. L'appareil politique peut être nécessaire pour mettre en pratique les valeurs démocratiques et pour maintenir des normes universelles.

Notes de la section 3 :

1. For a basic analysis of universalism in social relations, see Talcott Parsons, The Social System (New York: Free Press, 1951). For an expression of the belief that “science is wholly independent of national boundaries and races and creeds,” see the resolution of the Council of the American Association for the Advancement of Science, Science 87 (1938): 10; also, “The Advancement of Science and Society: Proposed World Association,” Nature 141 (1938): 169.

2. This stands as written in 1942. By 1948, the political leaders of Soviet Russia strengthened their emphasis on Russian nationalism and began to insist on the “national” character of science. Thus, in an editorial, “Against the Bourgeois Ideology of Cosmopolitanism,” Voprosy filosofii, no. 2 (1948), as translated in the Current Digest of the Soviet Press I, no. 1 (1 February 1949): 9: “Only a cosmopolitan without a homeland, profoundly insensible to the actual fortunes of science, could deny with contemptuous indifference the existence of the many-hued national forms in which science lives and develops. In place of the actual history of science and the concrete paths of its development, the cosmopolitan substitutes fabricated concepts of a kind of supernational, classless science, deprived, as it were, of all the wealth of national coloration, deprived of the living brilliance and specific character of a people's creative work, and transformed into a sort of disembodied spirit. . . Marxism-Leninism shatters into bits the cosmopolitan fictions concerning supra-class, non-national, ‘universal’ science, and definitely proves that science, like all culture in modern society, is national in form and class in content.” This view confuses two distinct issues: first, the cultural context in any given nation or society may predispose scientists to focus on certain problems, to be sensitive to some and not other problems on the frontiers of science. This has long since been observed. But this is basically different from the second issue: the criteria of validity of claims to scientific knowledge are not matters of national taste and culture. Sooner or later, competing claims to validity are settled by universalistic criteria.

3. For an instructive collection of such documents, see Gabriel Pettit and Maurice Leudet, Les allemands et la science (Paris, 1916). Felix de Dantec, for example, discovers that both Ehrlich and Weismann have perpetrated typical German frauds upon the world of science. ("Le bluff de la science allemande.") Pierre Duhem concludes that the “geometric spirit” of German science stifled the “spirit of finesse”: La science allemande (Paris 1915). Hermann Kellermann, Der Krieg der Geister (Weimar, 1915) is a spirited counterpart. The conflict persisted into the postwar period; see Karl Kherkhof, Der Krieg gegen die Deutsche Wissenschaft (Halle, 1933).

4. See the profession of faith by Professor E. Gley (in Pettit and Leudet, Les allemands et la science, p. 181): “il ne peut y avoir une vérité allemande, anglaise, italienne ou japonaise pas plus qu'une française. Et parler de science allemande, anglaise ou française, c'est énoncer une proposition contradictoire à l'idée même de science.” See also the affirmations of Grasset and Richet, ibid.

5. Johannes Stark, Nature 141 (1938): 772; “Philipp Lenard als deutscher Naturforscher,” Nationalsozialistische Monatshefte 7 (1936): 106-12. This bears comparison with Duhem's contrast between “German” and “French” science.

6. "Wir haben sie ('marxistischen Leugner'] nicht entfernt als Vertreter der Wissenschaft, sondern als Parteigaenger einer politischen Lehre, die den Umsturz aller Ordnungen auf ihre Fahne geschrieben hatte. Und wir mussten hier um so entschlossener zugreifen, als ihnen die herrschende Ideologie einer wertfreien un voraussetzungslosen Wissenschaft ein willkommener Schutz fuer die Fortführung ihrer Plaene zu sein schien. Nicht wir haben uns an der Wuerde der freien Wissenschaft vergangen..." Bernhard Rust, Das nationalsozialistische Deutschland und die Wissenschaft (Hamburg: Hanseatische Verlagsanstalt, 1936), p. 13.


4. Le "communisme"

Le «communisme», au sens non technique et étendu de propriété commune des biens, est un deuxième élément partie intégrante de l'éthique scientifique. Les résultats substantiels de la science sont un produit de la collaboration sociale et sont attribués à la communauté. Ils constituent un patrimoine commun dans lequel le fonds propre [equity] du producteur individuel est sévèrement limité. Une loi ou une théorie éponymes n'entrent pas dans la possession exclusive du découvreur et de ses héritiers, et les mœurs ne leur accordent pas non plus de droits spéciaux d'usage et de disposition. Les droits de propriété en sciences sont réduits au minimum par la logique de l'éthique scientifique. La revendication de «sa» propriété «intellectuelle» par le savant est limitée à la reconnaissance et à l'estime qui, si l'institution fonctionne avec un minimum d'efficacité, est à peu près proportionnelle aux améliorations apportées au fonds commun de connaissance. L'éponymie - dans le système «copernicien» par exemple, ou dans la «loi de Boyle» - est donc un dispositif à la fois mémonique et commémoratif.

Compte tenu d'une telle importance institutionnelle accordée à la reconnaissance et à l'estime comme seul droit de propriété du scientifique dans ses découvertes, le souci de la priorité scientifique devient une réaction «normale». Ces controverses sur la priorité qui ponctuent l'histoire de la science moderne sont générées par l'accent institutionnel mis sur l'origine [originality] 1. Il s'ensuit une coopération compétitive. Les produits de la compétition sont communisés [communised] 2, et l'estime s'accroît envers le producteur. Les nations revendiquent la priorité, et de nouvelles entrées dans la communauté de la science [commonwealth of science] sont estampillées du nom des ressortissants: en témoigne la controverse enragée sur les revendications concurrentes de Newton et de Leibniz pour le calcul différentiel. Mais tout ceci ne remet pas en question le statut de la connaissance scientifique comme propriété commune.

La conception institutionnelle de la science comme part du domaine public est liée à l'impératif de communication des résultats. Le secret est l'antithèse de cette norme; la communication intégrale et publique [full and open] est sa mise en application [enactment] 3. La pression pour la diffusion des résultats est renforcée par l'objectif institutionnel de repousser les limites de la connaissance, et par l'incitation à la reconnaissance qui dépend, bien évidemment, de la publication. Un scientifique qui ne communique pas ses découvertes importantes à la fraternité scientifique - tel un Henry Cavendish - devient la cible de réactions ambivalentes. Il est estimé pour son talent et, peut-être, pour sa modestie. Mais, considérée institutionnellement, sa modestie est gravement déplacée, compte tenu de la compulsion morale [moral compulsive] à partager la richesse de la science. Si néophyte soit-il, le commentaire d'Aldous Huxley sur Cavendish est éclairant à cet égard: «notre admiration pour son génie est tempérée par une certaine désapprobation; nous sentons qu'un tel homme est égoïste et antisocial». Les épithètes sont particulièrement instructives, car elles impliquent la violation d'un impératif institutionnel défini. Même si elle ne sert aucune finalité ultérieure, la soustraction [suppression] de la découverte scientifique est condamnée.

Le caractère communal [communal] de la science se reflète davantage dans la reconnaissance par les savants de leur dépendance à l'égard d'un héritage culturel sur lequel ils n'ont aucune revendication différentielle. La remarque de Newton: «si j'ai vu plus loin, c'est en me tenant sur les épaules des géants» - exprime à la fois un sentiment d'endettement envers le patrimoine commun et une reconnaissance de la qualité essentiellement scientifique et sélectivement cumulative de la réussite scientifique 4. L'humilité du génie scientifique n'est pas seulement culturellement appropriée, mais résulte du fait que l'avancée de la science implique la collaboration des générations passées et présentes. C'est Carlyle, et non Maxwell, qui se livra à une conception mythopoéique [mythopoeic] de l'histoire.

Le communisme de l'ethos scientifique est incompatible avec la définition de la technologie comme «propriété privée» dans une économie capitaliste. Les écrits actuels sur la «frustration de la science» reflètent ce conflit. Les brevets proclament des droits exclusifs d'utilisation et, souvent, de non-utilisation. La suppression de l'invention nie la raison d'être de la production et de la diffusion des sciences, comme le prouve la décision du tribunal dans l'affaire American Bell Telephone Co.: «L'inventeur est celui qui a découvert quelque chose de valeur. C'est sa propriété absolue. Il peut en soustraire la connaissance au public» 5. Les réponses à cette situation-conflit ont varié. Par mesure défensive, certains scientifiques en sont venus à breveter leur travail, afin de s'assurer de sa mise à disposition du public. Einstein, Millikan, Compton, Langmuir ont déposé des brevets 6. Des savants furent invités à devenir des promoteurs de nouvelles entreprises économiques 7. D'autres cherchent à résoudre le conflit en plaidant pour le socialisme 8. Ces propositions - à la fois celles qui exigent des retombées économiques pour les découvertes scientifiques et celles qui exigent un changement dans le système social pour permettre à la science de poursuivre le travail - reflètent des divergences dans la conception de la propriété intellectuelle.

Notes de la section 4 :

1. Newton spoke from hard-won experience when he remarked that “[natural] philosophy is such an impertinently litigious Lady, that a man had as good be engaged in lawsuits, as have to do with her.” Robert Hooke, a socially mobile individual whose rise in status rested solely on his scientific achievements, was notably “litigious.”

2. Marked by the commercialism of the wider society though it may be, a profession such as medicine accepts scientific knowledge as common property. See R. H. Shryock, “Freedom and Interference in Medicine,” The Annals 200 (1938): 45. “The medical profession. . . has usually frowned upon patents taken out by medical men. . . . The regular profession has. . . maintained this stand against private monopolies ever since the advent of patent law in the seventeenth century.” There arises an ambiguous situation in which the socialization of medical practice is rejected in circles where the socialization of knowledge goes unchallenged.

3. Cf. Bernal, who observes: “The growth of modern science coincided with a definite rejection of the ideal of secrecy.” Bernal quotes a remarkable passage from Réaumur (L'Art de convertir le forgé en acier) in which the moral compulsion for publishing one's researches is explicitly related to other elements in the ethos of science. For example, "il y eut gens qui trouvèrent étrange que j'eusse publié des secrets, qui ne dévoient pas être révélés . . . est-il bien sur que nos découvertes soient si fort à nous que.le Public n'y ait pas droit, qu'elles ne lui appartiennent pas en quelque sorte? . . . resterait il bien des circonstances, ou nous soyons absolument Maîtres de nos découvertes? . . . Nous nous devons premièrement à notre Patrie, mais nous nous devons aussi au rest du monde; ceux qui travaillent pour perfectionner les Sciences et les Arts, doivent même se regarder comme les citoyens du monde entier" (J.D. Bernal, The Social Function of Science [New York: Macmillan, 1939] pp. 150-51).

4. It is of some interest that Newton's aphorism is a standardized phrase which had found repeated expression from at least the twelfth century. It would appear that the dependence of discovery and invention on the existing cultural base had been noted some time before the formulations of modern sociologists. See Isis 24 (1935): 107-9; 25 (1938): 451-52.

5. 167 U. S. 224 (1897), cited by B. J. Stern, “Restraints upon the Utilization of Inventions,” The Annals 200 (1938): 21. For an extended discussion, cf. Stern's further studies cited therein, also Walton Hamilton, Patents and Free Enterprise, Temporary National Economic Committee Monograph no. 31 (1941).

6. Hamilton, Patents and Free Enterprise, p. 154; J. Robin, L'oeuvre scientifique: sa protection-juridique (Paris, 1928).

7. Vannevar Bush, “Trends in Engineering Research,” Sigma Xi Quarterly 22 (1934): 49.

8. Bernal, The Social Function of Science, pp. 155 ft.


5. Le désintéressement

La science, comme c'est le cas pour les professions en général, inclut le désintéressement en tant qu'élément institutionnel de base. Le désintéressement ne doit pas être assimilé à l'altruisme ni l'action intéressée identifiée à l'égoïsme. De telles équivalences confondent les niveaux institutionnels et motivationnels d'analyse 1. Une passion pour la connaissance, une vaine curiosité, une préoccupation altruiste au profit de l'humanité, et une foule d'autres motifs spéciaux furent attribués aux scientifiques.

La recherche de motifs distincts semble avoir été mal orientée. Il s'agit plutôt d'un schéma distinctif de contrôle institutionnel d'un large éventail de motifs qui caractérise le comportement des scientifiques. Car une fois que l'institution a prescrit une activité désintéressée, il est de l'intérêt des scientifiques de s'y conformer sous peine de sanctions et, dans la mesure où la norme a été internalisée, de conflit psychologique.

L'absence virtuelle de fraude dans les annales de la science, qui semble exceptionnelle par rapport aux autres sphères d'activité, a parfois été attribuée aux qualités personnelles des scientifiques. Par implication, les scientifiques sont recrutés parmi les rangs de ceux qui présentent un degré inhabituel d'intégrité morale. Il n'y a en réalité aucune preuve satisfaisante que ce soit le cas; une explication plus plausible peut être trouvée dans certaines caractéristiques distinctives de la science elle-même. En ce qui concerne la vérification des résultats, la recherche scientifique fait l'objet d'un contrôle rigoureux auprès des collègues experts. Formulé autrement, -et sans doute la remarque peut être interprétée comme lèse-majesté- les activités des scientifiques sont soumises à une police rigoureuse, à un degré qui n'est sans doute égalé par aucun autre domaine d'activité. L'exigence de désintéressement a une base solide dans le caractère public et vérifiable de la science, et cette circonstance, on peut le supposer, a contribué à l'intégrité des hommes de science. Il y a de la concurrence au royaume de la science, de la concurrence qui s'intensifie par l'accent mis sur la priorité en tant que critère de réussite et, dans des conditions concurrentielles, il peut bien y avoir des incitations incontournables pour éclipser les rivaux par des moyens illicites. Mais rarement de telles impulsions peuvent trouver occasion d'expression dans le domaine de la recherche scientifique. Le cultisme [cultism], les cliques informelles, les publications prolifiques mais banales - ces techniques ou d'autres peuvent être utilisées pour l'auto-agrandissement 2. Mais, en général, les prétentions parasites semblent être négligeables et inefficaces. La responsabilité des scientifiques envers leurs pairs concurrents soutient efficacement la traduction de la norme du désintéressement dans la pratique. Les principes du sentiment socialisé et de l'opportunité coïncident largement, situation propice à la stabilité institutionnelle.

À cet égard, le domaine des sciences diffère quelque peu de celui d'autres professions. Le scientifique ne se trouve pas face à une clientèle profane, comme le médecin ou l'avocat par exemple. La possibilité d'exploiter la crédulité, l'ignorance et la dépendance du profane est donc considérablement réduite. La fraude, la chicane et les réclamations irresponsables (quackery) sont même moins probables que dans les métiers de «service». À mesure que la relation savant-profane devient primordiale, il existe des incitations pour échapper aux mœurs de la science. L'abus d'autorité experte et la création de pseudo-sciences entrent en jeu lorsque la structure du contrôle exercé par des pairs concurrents qualifiés est rendue inefficace 3.

Il est probable que la renommée de la science et son statut éthique élevé dans l'estime du profane soient en grande partie dûs aux succès technologiques 4. Toute nouvelle technologie témoigne de l'intégrité du scientifique. La science réalise ce qu'elle prétend. Toutefois, son autorité peut être et est appropriée à des fins intéressées, précisément parce que le profane n'est souvent pas en mesure de distinguer les prétentions fausses des prétentions authentiques à une telle autorité. Les déclarations supposées scientifiques des porte-paroles totalitaires sur la race, l'économie ou l'histoire, sont pour les profanes non instruits du même ordre que les rapports journalistiques sur un univers en expansion ou sur la mécanique ondulatoire. Dans les deux cas, ils ne peuvent être vérifiés par l'homme-de-la-rue et, dans les deux cas, ils peuvent aller à l'encontre du bon sens. Cela étant, les mythes semblent plus plausibles et sont certainement plus compréhensibles pour le grand public que les théories scientifiques accréditées, car ils se rapprochent davantage de l'expérience de sens commun [common sense experience] et des biais culturels. Suite, en partie, aux succès scientifiques, la population en général devient susceptible de nouveaux mysticismes [mysticisms] exprimés en des termes prenant une apparence scientifique. L'autorité empruntée de la science confère du prestige à la doctrine non scientifique.

Notes de la section 5 :

1. Talcott Parsons, “The Professions and Social Structure,” Social Forces 17 (1939): 458-59; cf. George Sarton, The History of Science and the New Humanism (New York, 1931), p. 130 ff. The distinction between institutional compulsives and motives is a key, though largely implicit, conception of Marxist sociology.

2. See the account of Logan Wilson, The Academic Man (New York: Oxford University Press, 1941), p. 201 ff.

3. Cf. R. A. Brady, The Spirit and Structure of German Fascism (New York: Viking, 1937), chap. 2; Martin Gardner, In the Name of Science (New York: Putnam's, 1953).

4. Francis Bacon set forth one of the early and most succinct statements of this popular pragmatism: “Now these two directions - the one active, the other contemplative - are one and the same thing; and what in operation is most useful, that in knowledge is most true" (Novum Organum, book 2, aphorism 4).


6. Le scepticisme organisé

Comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, le scepticisme organisé [organized skepticism] est diversement intriqué aux autres éléments de l'ethos scientifique. Il s'agit à la fois d'une mission [mandate] méthodologique et d'un mandat institutionnel. La suspension temporaire du jugement et l'examen minutieux des croyances en termes de critères empiriques et logiques ont périodiquement engagé la science dans des conflits avec d'autres institutions. La science, qui pose des questions de fait [fact], incluant des potentialités [potentialities], concernant tous les aspects de la nature et de la société, peut entrer en conflit avec d'autres attitudes à l'égard de ces mêmes données [data] qui ont été souvent cristallisées et ritualisées par d'autres institutions. L'investigateur scientifique ne préserve pas le clivage entre sacré et profane, entre ce qui nécessite un respect acritique et ce qui peut être analysé objectivement.

Comme nous l'avons noté, cela semble être la source de révoltes contre la soi-disant intrusion de la science dans d'autres domaines. Une telle résistance de la religion organisée est devenue moins importante par rapport à celle de groupes économiques et politiques. L'opposition peut exister indépendamment de l'introduction de découvertes scientifiques spécifiques qui semblent invalider des dogmes particuliers d'Église, d'économie ou d'État. C'est plutôt une appréhension diffuse, souvent vague, que le scepticisme menace la répartition actuelle du pouvoir. Le conflit s'accentue chaque fois que la science étend ses recherches vers de nouveaux domaines dans lesquels il existe des attitudes institutionnalisées, ou lorsque d'autres institutions étendent leur contrôle sur la science. Dans la société totalitaire moderne, l'anti-rationalisme et la centralisation du contrôle institutionnel servent à limiter la portée de l'activité scientifique. »

 


 


 

TEXTE ORIGINAL ANGLAIS

 

Science, like any other activity involving social collaboration, is subject to shifting fortunes. Difficult as the notion may appear to those reared in a culture that grants science a prominent if not a commanding places in the scheme of things, it is evident that science is not immune from attack, restraint, and repression. Writing a little while ago, Veblen could observe that the faith of western culture in science was unbounded, unquestioned, unrivaled. The revolt from science which then appeared so improbable as to concerns only the timid academician who would ponder all contingencies, however remote, has not been forced upon the attention of scientist and layman alike. Local contagions of anti-intellectualism threaten to become epidemic.

 

Science and Society

Incipient and actual attacks upon the integrity of science have led scientists to recognize their dependence on particular types of social structure. Manifestos and pronouncements by associations of scientists are devoted to the relations of science and society. An institution under attack must reexamine its foundations, restate its objectives, seek out its rationale. Crisis invites self-appraisal. Now that they have been confronted with challenges to their way of life, scientists have been jarred into a state of acute self-consciousness: consciousness of self as an integral element of society with corresponding obligations and interests [1]. A tower of ivory becomes untenable when its walls are under prolonged assault. After a long period of relative security, during which the pursuit and diffusion of knowledge had risen to a leading place if indeed not to the first rank in the scale of cultural values, scientists are compelled to vindicate the ways of science to man. Thus they have come full circle to the point of the reemergence of science in the modern world. Three centuries ago, when the institution of science could claim little independent warrant for social support, natural philosophers were likewise led to justify science as a means to the culturally validated ends of economic utility and the glorification of God. The pursuit of science was then no self-evident value. With the unending flow of achievement, however, the instrumental was transformed into the terminal, the means into the end. Thus fortified, the scientist came to regard himself as independent of society and to consider science as a self-validating enterprise which was in society but not of it. A frontal assault on the autonomy of science was required to convert this sanguine isolationism into realistic participation in the revolutionary conflict of cultures. The joining of the issue has led to a clarification and reaffirmation of the ethos of modern science.

Science is a deceptively inclusive word which refers to a variety of distinct though interrelated items. It is commonly used to denote:

- a set of characteristic methods by means of which knowledge is certified; 
- a stock of accumulated knowledge stemming from the application of these methods;
- a set of cultural values and mores governing the activities termed scientific; or 
any combination of the foregoing.

We are here concerned in a preliminary fashion with the cultural structure of science, that is, with one limited aspect of science as an institution. Thus, we shall consider, not the methods of science, but the mores with which they are hedged about. To be sure, methodological canons are often both technical expedients and moral compulsives, but it is solely the latter which is our concern here. This is an essay in the sociology of science, not an excursion in methodology. Similarly, we shall not deal with the substantive findings of sciences (hypotheses, uniformities, laws), except as these are pertinent to standardized social sentiments toward science. This is not an adventure in polymathy.

 

The Ethos of Science

The ethos of science is that affectively toned complex of values and norms which is held to be binding on the man of science [2].

The norms are expressed in the form of prescriptions, proscriptions, preferences, and permissions. They are legitimatized in terms of institutional values. These imperatives, transmitted by precept and example and reenforced by sanctions are in varying degrees internalized by the scientist, thus fashioning his scientific conscience or, if one prefers the latter-day phrase, his superego. Although the ethos of science has not been codified [3], it can be inferred from the moral consensus of scientists as expressed in use and wont, in countless writings on the scientific spirit and in moral indignation directed toward contraventions of the ethos.

An examination of the ethos of modern science is only a limited introduction to a larger problem: the comparative study of the institutional structure of science. Although detailed monographs assembling the needed comparative materials are few and scattered, they provide some basis for the provisional assumption that “science is afforded opportunity for development in a democratic order which is integrated with the ethos of science.” This is not to say that the pursuit of science is confined to democracies [4]. The most diverse social structures have provided some measure of support to science. We have only to remember that the Accademia del Cimento was sponsored by two Medicis; that Charles II claims historical attention for his grant of a charter to the Royal Society of London and his sponsorship of the Greenwich Observatory; that the Académie des Sciences was founded under the auspices of Louis XIV, on the advice of Colbert; that urged into acquiescence by Leibniz, Frederick I endowed the Berlin Academy, and that the St. Petersburg Academy of Sciences was instituted by Peter the Great (to refute the view that Russians are barbarians). But such historical facts do not imply a random association of science and social structure. There is the further question of the ratio of scientific achievement to scientific potentialities. Science develops in various social structures, to be sure, but which provide an institutional context for the fullest measure of development?

The institutional goal of science is the extension of certified knowledge. The technical methods employed towards this end provide the relevant definition of knowledge: empirically confirmed and logically consistent statements of regularities (which are, in effect, predictions). The institutional imperatives (mores) derive from the goal and the methods. The entire structure of technical and moral norms implements the final objective. The technical norm of empirical evidence, adequate and reliable, is a prerequisite for sustained true prediction; the technical norm of logical consistency, a prerequisite for systematic and valid prediction. The mores of science possess a methodologic rationale but they are binding not only because they are procedurally efficient, but because they are believed right and good. They are moral as well as technical prescriptions.

Four sets of institutional imperatives - universalism, communism, disinterestedness, organized skepticism - are taken to comprise the ethos of modern science.

 

Universalism

Universalism [5] finds immediate expression in the canon that truth-claims, whatever their source, are to be subjected to preestablished impersonal criteria: consonant with observation and with previously confirmed knowledge. The acceptance or rejection of claims entering the lists of science is not to depend on the personal or social attributes of their protagonist; his race, nationality, religion, class, and personal qualities are as such irrelevant. Objectivity precludes particularism. The circumstance that scientifically verified formulations refer in that specific sense to objective sequences and correlations militates against all efforts to impose particularistic criteria of validity. The Haber process cannot be invalidated by a Nuremberg decree nor can an Anglophobe repeal the law of gravitation. The chauvinist may expunge the names of alien scientists from historical textbooks but their formulations remain indispensable to science and technology. However echt-deutsch or hundred-percent American the final increment, some aliens are accessories before the fact of every new scientific advance. The imperative of universalism is rooted deep in the impersonal character of science.

However, the institution of science is part of a larger social structure with which it is not always integrated. When the larger culture opposes universalism, the ethos of science is subjected to serious strain. Ethnocentrism is not compatible with universalism. Particularly in times of international conflict, when the dominant definition of the situation is such as to emphasize national loyalties, the man of science is subjected to the conflicting imperatives of scientific universalism and of ethnocentric particularism [6]. The structure of the situation in which he finds himself determines the social role that is called into play. The man of science may be converted into a man of war - and act accordingly. Thus, in 1914 the manifesto of ninety-three German scientists and scholars - among them, Baeyer, Brentano, Ehrlich, Haber, Eduard Meyer, Ostwald, Planck, Schmoller, and Wassermann - unloosed a polemic in which German, French, and English men arrayed their political selves in the garb of scientists. Dispassionate scientists impugned “enemy” contributions, charging nationalistic bias, log-rolling, intellectual dishonesty, incompetence, and lack of creative capacity [7]. Yet this very deviation from the norm of universalism actually presupposed the legitimacy of the norm. For nationalistic bias is opprobrious only if judged in terms of the standard of universalism; within another institutional context, it is redefined as a virtue, patriotism. Thus in the process of condemning their violation, the mores are reaffirmed.

Even under counter-pressure, scientists of all nationalities adhered to the universalistic standard in more direct terms. The international, impersonal, virtually anonymous character of science was reaffirmed [8]. (Pasteur: “Le savant a une patrie, la science n’en a pas.”) Denial of the norm was conceived as a breach of faith.

Universalism finds further expression in the demand that careers be open to talents. The rationale is provided by the institutional goal. To restrict scientific careers on grounds other than lack of competence is to prejudice the furtherance of knowledge. Free access to scientific pursuits is a functional imperative. Expediency and morality coincide. Hence the anomaly of a Charles II invoking the mores of science to reprove the Royal Society for their would-be exclusion of John Graunt, the political arithmetician, and his instructions that “if they found any more such trades­men, they should be sure to admit them without further ado.”

Here again the ethos of science may not be consistent with that of the larger society. Scientists may assimilate caste-standards and close their ranks to those of inferior status, irrespective of capacity or achievement.

But this provokes an unstable situation. Elaborate ideologies are called forth to obscure the incompatibility of caste-mores and the institutional goal of science. Caste-inferiors must be shown to be inherently incapable of scientific work, or, at the very least, their contributions must be systematically devaluated. “It can be adduced from the history of science that the founders of research in physics, and the great discoverers from Galileo and Newton to the physical pioneers of our own time, were almost exclusively Aryans, predominantly of the Nordic race.” The modifying phrase, “almost exclusively,” is recognized as an insufficient basis for denying out­castes all claims to scientific achievement. Hence the ideology is rounded out by a conception of “good” and “bad” science: the realistic, pragmatic science of the Aryan is opposed to the dogmatic, formal science of the non-Aryan [9]. Or, grounds for exclusion are sought in the extrascientific capacity of men of science as enemies of the state or church [10]. Thus, the exponents of a culture which abjures universalistic standards in general feel constrained to pay lip service to this value in the realm of science. Universalism is deviously affirmed in theory and suppressed in practice.

However inadequately it may be put into practice, the ethos of democracy includes universalism as a dominant guiding principle. Democratization is tantamount to the progressive elimination of restraints upon the exercise and development of socially valued capacities. Impersonal criteria of accomplishment and not fixation of status characterize the open democratic society. Insofar as such restraints do persist, they are viewed as obstacles in the path of full democratization. Thus, insofar as laissez-faire democracy permits the accumulation of differential advantages for certain segments of the population, differentials that are not bound up with demonstrated differences in capacity, the democratic process leads to increasing regulation by political authority. Under changing conditions, new technical forms of organization must be introduced to preserve and extend equality of opportunity. The political apparatus may be required to put democratic values into practice and to maintain universalistic standards.

 

Communism”

Communism,” in the nontechnical and extended sense of common ownership of goods, is a second integral element of the scientific ethos. The substantive findings of science are a product of social collaboration and are assigned to the community. They constitute a common heritage in which the equity of the individual producer is severely limited. An eponymous law or theory does not enter into the exclusive possession of the discoverer and his heirs, nor do the mores bestow upon them special rights of use and disposition. Property rights in science are whittled down to a bare minimum by the rationale of the scientific ethic. The scientist's claim to “his” intellectual “property”" is limited to that of recognition and esteem which, if the institution functions with a modicum of efficiency, is roughly commensurate with the significance of the increments brought to the common fund of knowledge. Eponymy -for example, the Copernican system, Boyle's law - is thus at once a mnemonic and a commemorative device.

Given such institutional emphasis upon recognition and esteem as the sole property right of the scientist in his discoveries, the concern with scientific priority becomes a “normal” response. Those controversies over priority which punctuate the history of modern science are generated by the institutional accent on originality [11]. There issues a competitive cooperation. The products of competition are communised [12], and esteem accrues to the producer. Nations take up claims to priority, and fresh entries into the commonwealth of science are tagged with the names of nationals: witness the controversy raging over the rival claims of Newton and Leibniz to the differential calculus. But all this does not challenge the status of scientific knowledge as a common property.

The institutional conception of science as part of the public domain is linked with the imperative for communication of findings. Secrecy is the antithesis of this norm; full and open communication its enactment [13]. The pressure for diffusion of results is reenforced by the institutional goal of advancing the boundaries of knowledge and by the incentive of recognition which is, of course, contingent upon publication. A scientist who does not communicate his important discoveries to the scientific fraternity - thus, a Henry Cavendish - becomes the target for ambivalent responses. He is esteemed for his talent and, perhaps, for his modesty. But, institutionally considered, his modesty is seriously misplaced, in view of the moral compulsive for sharing the wealth of science. Layman though he is, Aldous Huxley's comment on Cavendish is illuminating in this connection: “Our admiration of his genius is tempered by a certain disapproval; we feel that such a man is selfish and anti-social.” The epithets are particularly instructive for they imply the violation of a definite institutional imperative. Even though it serves no ulterior motive, the suppression of scientific discovery is condemned.

The communal character of science is further reflected in the recognition by scientists of their dependence upon a cultural heritage to which they lay no differential claims. Newton's remark - “If I have seen farther it is by standing on the shoulders of giants” - expresses at once a sense of indebtedness to the common heritage and a recognition of the essentially cooperative and selectively cumulative quality of scientific achievement [14]. The humility of scientific genius is not simply culturally appropriate but results from the realization that scientific advance involves the collaboration of past and present generations. It was Carlyle, not Maxwell, who indulged in a mythopoeic conception of history.

The communism of the scientific ethos is incompatible with the definition of technology as “private property” in a capitalistic economy. Current writings on the “frustration of science” reflect this conflict. Patents proclaim exclusive rights of use and, often, nonuse. The suppression of invention denies the rationale of scientific production and diffusion, as may be seen from the court's decision in the case of U.S. v. American Bell Telephone Co.: “The inventor is one who has discovered something of value. It is his absolute property. He may withhold the knowledge of it from the public.” [15]. Responses to this conflict-situation have varied. As a defensive measure, some scientists have come to patent their work to ensure its being made available for public use. Einstein, Millikan, Compton, Langmuir have taken out patents [16]. Scientists have been urged to become promoters of new economic enterprises [17]. Others seek to resolve the conflict by advocating socialism [18]. These proposals - both those which demand economic returns for scientific discoveries and those which demand a change in the social system to let science get on with the job - reflect discrepancies in the conception of intellectual property.

 

Disinterestedness

Science, as is the case with the professions in general, includes disinterestedness as a basic institutional element. Disinterestedness is not to be equated with altruism nor interested action with egoism. Such equivalences confuse institutional and motivational levels of analysis [19]. A passion for knowledge, idle curiosity, altruistic concern with the benefit of humanity, and a host of other special motives have been attributed to the scientist. 
The quest for distinctive motives appears to have been misdirected. It is rather a distinctive pattern of institutional control of a wide range of motives which characterizes the behavior of scientists. For once the institution enjoins disinterested activity, it is to the interest of scientists to conform on pain of sanctions and, insofar as the norm has been internalized, on pain of psychological conflict.

The virtual absence of fraud in the annals of science, which appears exceptional when compared with the record of other spheres of activity, has at times been attributed to the personal qualities of scientists. By implication, scientists are recruited from the ranks of those who exhibit an unusual degree of moral integrity. There is, in fact, no satisfactory evidence that such is the case; a more plausible explanation may be found in certain distinctive characteristics of science itself. Involving as it does the verifiability of results, scientific research is under the exacting scrutiny of fellow experts. Otherwise put - and doubtless the observation can be interpreted as lese majesty - the activities of scientists are subject to rigorous policing, to a degree perhaps unparalleled in any other field of activity. The demand for disinterestedness has a firm basis in the public and testable character of science and this circumstance, it may be supposed, has contributed to the integrity of men of science. There is competition in the realm of science, competition that is intensified by the emphasis on priority as a criterion of achievement, and under competitive conditions there may well be generated incentives for eclipsing rivals by illicit means. But such impulses can find scant opportunity for expression in the field of scientific research. Cultism, informal cliques, prolific but trivial publications - these and other techniques may be used for self-aggrandisement [20]. But, in general, spurious claims appear to be negligible and ineffective. The translation of the norm of disinterestedness into practice is effectively supported by the ultimate accountability of scientists to their compeers. The dictates of socialized sentiment and of expediency largely coincide, a situation conducive to institutional stability.

In this connection, the field of science differs somewhat from that of other professions. The scientist does not stand vis-a-vis a lay clientele in the same fashion as do the physician and lawyer, for example. The possibility of exploiting the credulity, ignorance, and dependence of the layman is thus considerably reduced. Fraud, chicane, and irresponsible claims (quackery) are even less likely than among the “service” professions. To the extent that the scientist-layman relation does become paramount, there develop incentives for evading the mores of science. The abuse of expert authority and the creation of pseudo-sciences are called into play when the structure of control exercised by qualified compeers is rendered ineffectual [21].

It is probable that the reputability of science and its lofty ethical status in the estimate of the layman is in no small measure due to technological achievements [22]. Every new technology bears witness to the integrity of the scientist. Science realizes its claims. However, its authority can be and is appropriated for interested purposes, precisely because the laity is often in no position to distinguish spurious from genuine claims to such authority. The presumably scientific pronouncements of totalitarian spokesmen on race or economy or history are for the uninstructed laity of the same order as newspaper reports of an expanding universe or wave mechanics. In both instances, they cannot be checked by the man-in-the-street and in both instances, they may run counter to common sense. If anything, the myths will seem more plausible and are certainly more comprehensible to the general public than accredited scientific theories, since they are closer to common-sense experience and to cultural bias. Partly as a result of scientific achievements, therefore, the population at large becomes susceptible to new mysticisms expressed in apparently scientific terms. The borrowed authority of science bestows prestige on the unscientific doctrine.

 

Organized skepticism

As we have seen in the preceding chapter, organized skepticism is variously interrelated with the other elements of the scientific ethos. It is both a methodological and an institutional mandate. The temporary suspension of judgment and the detached scrutiny of beliefs in terms of empirical and logical criteria have periodically involved science in conflict with other institutions. Science which asks questions of fact, including potentialities, concerning every aspect of nature and society may come into conflict with other attitudes toward these same data which have been crystallized and often ritualized by other institutions. The scientific investigator does not preserve the cleavage between the sacred and the profane, between that which requires uncritical respect and that which can be objectively analyzed.

As we have noted, this appears to be the source of revolts against the so-called intrusion of science into other spheres. Such resistance on the part of organized religion has become less significant as compared with that of economic and political groups. The opposition may exist quite apart from the introduction of specific scientific discoveries which appear to invalidate particular dogmas of church, economy, or state. It is rather a diffuse, frequently vague, apprehension that skepticism threatens the current distribution of power. Conflict becomes accentuated whenever science extends its research to new areas toward which there are institutionalized attitudes or whenever other institutions extend their control over science. In modern totalitarian society, anti-rationalism and the centralization of institutional control both serve to limit the scope provided for scientific activity.

 


 

Notes

[1] Since this was written in 1942, it is evident that the explosion at Hiroshima has jarred many more scientists into an awareness of the social consequences of their work.

[2] On the concept of ethos, see William Graham Sumner, Folkways (Boston: Ginn, 1906), pp. 36 ff.; Hans Speier, “The Social Determination of Ideas,” Social Research 5 (1938): 196 ff.; Max Scheler, Schriften aus dem Nachlass (Berlin, 1933), 1:225­-62. Albert Bayet, in his book on the subject, soon abandons description and analysis for homily; see his La morale de la science (Paris, 1931).

[3] As Bayet remarks: “Cette morale [de la science] n'a pas eu ses theoriciens, mais elle a eu ses artisans. Elle n'a pas exprimé son ideal, mais elle l’a servi: il est impliqué dans l'existence même de la science” (La morale de la science, p. 43).

[4] Tocqueville went further: "The future will prove whether these passions [for science], at once so rare and so productive, come into being and into growth as easily in the midst of democratic as in aristocratic communities. For myself, I confess that I am slow to believe it" (Democracy in America [New York, 1898], 2: 51). See another reading of the evidence: "It is impossible to establish a simple causal relationship between democracy and science and to state that democratic society alone can furnish the soil suited for the development of science. It cannot be a mere coincidence, however, that science actually has flourished in democratic periods" (Henry E. Sigerist, “Science and Democracy,” Science and Society 2 [1938]: 291).

[5] For a basic analysis of universalism in social relations, see Talcott Parsons, The Social System (New York: Free Press, 1951). For an expression of the belief that “science is wholly independent of national boundaries and races and creeds,” see the resolution of the Council of the American Association for the Advancement of . Science, Science 87 (1938): 10; also, “The Advancement of Science and Society: Proposed World Association,” Nature 141 (1938): 169.

[6] This stands as written in 1942. By 1948, the political leaders of Soviet Russia strengthened their emphasis on Russian nationalism and began to insist on the “national” character of science. Thus, in an editorial, “Against the Bourgeois Ideology of Cosmopolitanism,” Voprosy filosofii, no. 2 (1948), as translated in the Current Digest of the Soviet Press I, no. 1 (1 February 1949): 9: “Only a cosmopolitan without a homeland, profoundly insensible to the actual fortunes of science, could deny with contemptuous indifference the existence of the many-hued national forms in which science lives and develops. In place of the actual history of science and the concrete paths of its development, the cosmopolitan substitutes fabricated concepts of a kind of supernational, classless science, deprived, as it were, of all the wealth of national coloration, deprived of the living brilliance and specific character of a people's creative work, and transformed into a sort of disembodied spirit. . . Marxism-Leninism shatters into bits the cosmopolitan fictions concerning supra-class, non-national, ‘universal’ science, and definitely proves that science, like all culture in modern society, is national in form and class in content.” This view confuses two distinct issues: first, the cultural context in any given nation or society may predispose scientists to focus on certain problems, to be sensitive to some and not other problems on the frontiers of science. This has long since been observed. But this is basically different from the second issue: the criteria of validity of claims to scientific knowledge are not matters of national taste and culture. Sooner or later, competing claims to validity are settled by universalistic criteria.

[7] For an instructive collection of such documents, see Gabriel Pettit and Maurice Leudet, Les allemands et la science (Paris, 1916). Felix de Dantec, for example, discovers that both Ehrlich and Weismann have perpetrated typical German frauds upon the world of science. ("Le bluff de la science allemande.") Pierre Duhem concludes that the “geometric spirit” of German science stifled the “spirit of finesse”: La science allemande (Paris 1915). Hermann Kellermann, Der Krieg der Geister (Weimar, 1915) is a spirited counterpart. The conflict persisted into the postwar period; see Karl Kherkhof, Der Krieg gegen die Deutsche Wissenschaft (Halle, 1933).

[8] See the profession of faith by Professor E. Gley (in Pettit and Leudet, Les allemands et la science, p. 181): “il ne peut y avoir une vérité allemande, anglaise, italienne ou japonaise pas plus qu'une française. Et parler de science allemande, anglaise ou française, c'est énoncer une proposition contradictoire à l'idée même de science.” See also the affirmations of Grasset and Richet, ibid.

[9] Johannes Stark, Nature 141 (1938): 772; “Philipp Lenard als deutscher Naturforscher,” Nationalsozialistische Monatshefte 7 (1936): 106-12. This bears comparison with Duhem's contrast between “German” and “French” science.

[10] "Wir haben sie ('marxistischen Leugner'] nicht entfernt als Vertreter der Wissenschaft, sondern als Parteigaenger einer politischen Lehre, die den Umsturz aller Ordnungen auf ihre Fahne geschrieben hatte. Und wir mussten hier um so entschlossener zugreifen, als ihnen die herrschende Ideologie einer wertfreien un voraussetzungslosen Wissenschaft ein willkommener Schutz fuer die Fortführung ihrer Plaene zu sein schien. Nicht wir haben uns an der Wuerde der freien Wissenschaft vergangen..." Bernhard Rust, Das nationalsozialistische Deutschland und die Wissenschaft (Hamburg: Hanseatische Verlagsanstalt, 1936), p. 13.

[11] Newton spoke from hard-won experience when he remarked that “[natural] philosophy is such an impertinently litigious Lady, that a man had as good be engaged in lawsuits, as have to do with her.” Robert Hooke, a socially mobile individual whose rise in status rested solely on his scientific achievements, was notably “litigious.”

[12] Marked by the commercialism of the wider society though it may be, a profession such as medicine accepts scientific knowledge as common property. See R. H. Shryock, “Freedom and Interference in Medicine,” The Annals 200 (1938): 45. “The medical profession. . . has usually frowned upon patents taken out by medical men. . . . The regular profession has. . . maintained this stand against private monopolies ever since the advent of patent law in the seventeenth century.” There arises an ambiguous situation in which the socialization of medical practice is rejected in circles where the socialization of knowledge goes unchallenged.

[13] Cf. Bernal, who observes: “The growth of modern science coincided with a definite rejection of the ideal of secrecy.” Bernal quotes a remarkable passage from Réaumur (L'Art de convertir le forgé en acier) in which the moral compulsion for publishing one's researches is explicitly related to other elements in the ethos of science. For example, "il y eut gens qui trouvèrent étrange que j'eusse publié des secrets, qui ne dévoient pas être révélés . . . est-il bien sur que nos découvertes soient si fort à nous que.le Public n'y ait pas droit, qu'elles ne lui appartiennent pas en quelque sorte? . . . resterait il bien des circonstances, ou nous soyons absolument Maîtres de nos découvertes? . . . Nous nous devons premièrement à notre Patrie, mais nous nous devons aussi au rest du monde; ceux qui travaillent pour perfectionner les Sciences et les Arts, doivent même se regarder comme les citoyens du monde entier" (J.D. Bernal, The Social Function of Science [New York: Macmillan, 1939] pp. 150-51).

[14] It is of some interest that Newton's aphorism is a standardized phrase which had found repeated expression from at least the twelfth century. It would appear that the dependence of discovery and invention on the existing cultural base had been noted some time before the formulations of modern sociologists. See Isis 24 (1935): 107-9; 25 (1938): 451-52.

[15] 167 U. S. 224 (1897), cited by B. J. Stern, “Restraints upon the Utilization of Inventions,” The Annals 200 (1938): 21. For an extended discussion, cf. Stern's further studies cited therein, also Walton Hamilton, Patents and Free Enterprise, Temporary National Economic Committee Monograph no. 31 (1941).

[16] Hamilton, Patents and Free Enterprise, p. 154; J. Robin, L'oeuvre scientifique: sa protection-juridique (Paris, 1928).

[17] Vannevar Bush, “Trends in Engineering Research,” Sigma Xi Quarterly 22 (1934): 49.

[18] Bernal, The Social Function of Science, pp. 155 ft.

[19] Talcott Parsons, “The Professions and Social Structure,” Social Forces 17 (1939): 458-59; cf. George Sarton, The History of Science and the New Humanism (New York, 1931), p. 130 ff. The distinction between institutional compulsives and motives is a key, though largely implicit, conception of Marxist sociology.

[20] See the account of Logan Wilson, The Academic Man (New York: Oxford University Press, 1941), p. 201 ff.

[21] Cf. R. A. Brady, The Spirit and Structure of German Fascism (New York: Viking, 1937), chap. 2; Martin Gardner, In the Name of Science (New York: Putnam's, 1953).

[22] Francis Bacon set forth one of the early and most succinct statements of this popular pragmatism: “Now these two directions - the one active, the other contemplative - are one and the same thing; and what in operation is most useful, that in knowledge is most true" (Novum Organum, book 2, aphorism 4).

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